Fruit d'une recherche de trois ans sur l'éducation numérique en Suisse romande, cette contribution adopte un angle de sociologie des techniques pour approcher un robot conçu pour l'école et en ouvrir la boîte noire. Elle montre l'activité d'ingénierie hétérogène dans l'enrôlement des acteurs (Law, 1987), puis comment cet objet frontière se diffuse en s'adaptant au contexte auquel il est destiné tout en transformant celui-ci. Le robot éducatif, appelons-le Ed, est blanc et clignote de nombreuses couleurs. Il implique maintenant tout un assemblage social et technique, notamment des changements institutionnels, l'édition de scénarios pédagogiques, la formation des enseignants·es qui devront ensuite se l'approprier et l'adapter à leur usage (Akrich et al. 1988). Ed a été développé par une entreprise locale, et son code source est ouvert, mais il n'est pas fait pour être démonté par ses utilisateurs·trices, car son but est de soutenir l'acquisition de rudiments de programmation, contrairement à son antithèse, le ”Robot in a can”, qui lui peut être démonté et réassemblé. Intentionnellement ou non, Ed incorpore un imaginaire socio-technique (Jasanoff et Kim, 2019) du futur qui remonte à l'intelligence artificielle et la robotique du milieu du siècle dernier. Il véhicule des valeurs qui se révèlent également à l'usage dans les interactions.