La dynamique de numérisation du monde à l’œuvre dans les sociétés occidentales doit-elle être – en général et dans l’éducation/formation en particulier - plutôt accueillie et accompagnée ou dénoncée et combattue ? A l’aune de cette seconde option se développent des propositions de critique de la raison numérique, intéressantes à étudier en philosophie politique et éthique de l’éducation/formation. Dans la tradition de la philosophie grecque, la critique désigne un certain art du discernement fin. Dans un héritage kantien, la critique désigne le travail intellectuel consistant à définir les sphères de validité des concepts et à évaluer les limites de la raison elle-même. Avec et après Marx, par exemple dans la théorie critique de l’école de Francfort ou les pédagogies critiques (par exemple freiriennes), la critique a avant tout un sens socio-politique, affirmant la puissance de l’émancipation contre les dominations. Les tenant.e.s d’une critique de la raison numérique se revendiquent ainsi souvent être plus clairvoyants, plus rigoureux et plus soucieux d’émancipation que les autres. Mais nous montrerons – en appui sur de précédentes recherches collectives sur l’école en pandémie COVID19 - que ces perspectives par ailleurs précieuses peuvent elles-mêmes être critiquées du point de vue de leur cohérence théorique et de leur praticabilité dans un monde démocratique.